Pourquoi faut-il payer les séances manquées en psychothérapie ou en psychanalyse ?

La demande du règlement des séances manquées est souvent à l’origine de vives réactions chez les patients. En effet, lorsqu’un patient ne se présente pas à sa séance, quelle qu’en soit la raison, un imprévu, un oubli, ses congés, une maladie, le clinicien lui indique l’importance de régler la séance manquée.

 

L’indication peut être est acceptée sans discussion du fait de la relation de confiance instaurée entre le patient et le clinicien et contribue alors à l’avancée de la cure. Le patient comprend qu’il y a un manque et accepte d’en assumer sa part de responsabilité.

 

Mais l’incompréhension peut également venir en première réaction, accompagnée de la recherche du sens qui motive la demande. Parmi les hypothèses envisagées, le patient énonce l’éventualité de la perte occasionnée dans l’emploi du temps du clinicien, voire d’un « manque à gagner ». Un patient peut également s’insurger face à l’invitation du règlement, arguant d’un abus ou d’une rigidité extrême du fonctionnement du clinicien et du cadre de sa pratique. Or l’indication clinique n’a pas ces desseins. Elle n’est là ni pour arranger, ni servir le clinicien et ne répond à aucune logique de comptabilité. Au contraire, elle est au service de la conduite de la cure, afin de permettre son avancée. L’invitation au paiement constitue avant tout un levier thérapeutique important et marque symboliquement l’engagement du patient ou du psychanalysant avec son désir dans la cure.

 

L’émergence de colère ou la méfiance à l’égard du clinicien est le reflet d’un transfert ambivalent à l’égard du clinicien. Le transfert fait partie des objets fondamentaux de la psychanalyse, avec la pulsion, l’inconscient et la répétition. Lacan suggérait que le patient « a à l’œil » le clinicien. Ainsi des intentions non louables peuvent lui être prêtées, il voudrait « se faire de l’argent sur son dos », « profiter de sa souffrance », ou « le maintenir en position de dépendance ». Ces pensées haineuses, suscitées par l’invitation au règlement des séances manquées sont riches en enseignement pour le patient. S’il accepte d’associer librement ses pensées, elles vont révéler une colère, une haine masquée qui occupe le patient ou le psychanalysant. C’est le réveil de cette haine, ancienne, qui nous intéresse au premier plan et elle concerne bien souvent une tout autre personne que le psychothérapeute.

 

 

Que vise l’indication ?

 

La règle vise à introduire un effet de castration, le manque nécessaire à l’avancée de la cure et à la résolution des symptômes. C’est un règlement d’une dette symbolique qui est encouragé plutôt qu’un règlement de sa souffrance sous forme de symptômes d’angoisses, de symptômes corporels ou organiques.

 

L’expression de la colère ou de la haine, sa libre association de pensée débouche bien souvent sur un moment de crise, un inconfortable. Le vécu d’un préjudice, d’une punition, d’une injustice trouve alors à s’actualiser dans les séances. L’association libre privilégie la mise en mots, plutôt qu’en acte et met en exergue la culpabilité, les auto-reproches, le sabotage du patient. L’issue peut se révéler positive, se résoudre et le patient en acceptant de régler y trouve un apaisement. Elle peut également être à l’origine de rupture, le refus est massif et le patient n’arrive pas à dépasser.

 

Ces réactions hostiles, génératrices de turbulences dans la cure n’ont rien de confortables pour le clinicien, raison pour laquelle bons nombres de thérapeutes ne l’appliquent pas. Ils évitent ainsi les foudres, le déferlement haineux du patient dans la séance, préférant composer avec une séduction imaginaire.

 

Il importe cependant d’inviter son observance, sans que la cure puisse être rompue, ni provoquer l’abandon du patient. C’est un accès à la castration symbolique. Si le patient cède sur la perte, accepte de manquer, il va en tirer autrement bénéfices, révélant un désir de régler sans plus attendre ce qui le fait souffrir.

 

 

Je vous rapporte les associations libres récentes d’un psychanalysant suite à l’indication du paiement des séances manquées: « Pourquoi c’est une séance manquée ? Pourquoi faut-il payer ce manque ? C’est payer pour éviter de compenser différemment… Ne pas compenser par des idées négatives, contreproductives. C’est pour éviter de me sacrifier pour les autres, comme je le fais de temps en temps. Ici en séance, ce n’est pas du commercial, il n’y a pas de facturation comme dans mon travail. Je ne vous rémunère pas pour une prestation…je paye pour ma parole et mon engagement avec moi-même ».