Symptôme de la résistance ou résistance du symptôme

                                                                                                                                                                                                           août 2015

 

Les propos d’un patient, que je reçois dans le cadre de la CPP[1], viennent illustrer avec une clarté déconcertante et touchante, ce à quoi le sujet s’expose en psychothérapie et auquel le clinicien est confronté, à savoir son désir et sa résistance. Comment le clinicien fait-il face à ce paradoxe du dire du patient : ne plus souffrir et ne pas être soulagé ?

 

Ce patient (qui souffre de maux corporels et de n’avoir jamais eu de relations sexuelles) répète : « Je vais mal, je ne m’en sortirai pas, ça ne sert à rien ce que je fais », et lorsque je lui fais remarquer qu’il est pourtant venu à sa séance, il répond :« C’est une excuse pour plus tard, comme ça je dirai que j’ai tout essayé (…). Ecoutons-le encore : « Je veux que ça change, je suis malheureux mais être dans une situation que je connais c’est plus facile, faire en sorte que rien ne change c’est plus rassurant ..sinon de quoi vais-je me plaindre ensuite ».

La résistance au changement et la perpétuation du symptôme s’illustrent ici sous formes condensées dans le discours du patient. Les symptômes ne sont pas seulement un trouble à éradiquer mais aussi un message crypté, chargé d’un sens à déchiffrer. Le symptôme a une valeur, il est cher au patient qui y est attaché. Il lui est difficile de se libérer de ce dont il souffre, sinon de  quoi se plaindre ?

Pourtant, ce patient exprime à la fois son désir de ne plus souffrir et sa résistance. La démarche de  consultation est déjà l’indice d’un cheminement personnel et d’une décision.  Le patient accepte de se conformer au cadre proposé à la CPP : la règle fondamentale de  la libre association et la multiplication des séances dans une même semaine. Le sujet est pris par un paradoxe, tiraillé entre son désir et la peur du changement.

La résistance est ce qui résiste à se dire, souvent du côté de la haine ou du sexuel. Elle est un obstacle rencontré dans le travail d’élucidation du sens. Mais s’il y a résistance, c’est que le symptôme est une souffrance qui satisfait, une satisfaction substitutive répondant à un défaut de jouissance. Le plus souvent, le patient, quoi qu’il en dise, y tient.

Il me parait important de souligner que l’énonciation des résistances a des effets positifs dans la cure et constitue une évolution. En disant sa résistance, le patient apprend quelque-chose de lui-même. Il la surmonte, ou la contourne. Il se rend vers un ailleurs inimaginable au départ. Il prend conscience de son fonctionnement, d’une limite qui est aussi son point d’appui.

Affrontant des moments de tempête et d’accalmie, cet homme poursuit avec persévérance et courage un travail dont je suis témoin. Là où d’autres, revêtus du cuir de la résistance, s’empêchent, abandonnent la psychothérapie pour mille et une raison. Pour lui, un apaisement se fait jour à travers un désir davantage consistant : moins de maux de dos et il a, en outre, décidé de se consacrer pleinement à son projet professionnel. La psychothérapie, comme la psychanalyse, est une traversée douloureuse. Son  but est de faire taire une résistance du Surmoi[2] « pousse à la haine » de soi et des autres, qui s’exprime souvent par un corps douloureux et une pensée en souffrance. L’issue de ce cheminement « ne restitue pas un état antérieur : elle (la cure) invente un sujet nouveau, auquel elle fait gagner une position qu’il n’avait jamais connue auparavant »[3]. Elle modifie le rapport du patient au monde, à lui-même et aux autres.

 


[1] CPP, Consultation Publique de psychanalyse créée par le Réseau pour la Psychanalyse à l’Hôpital-école de psychanalyse, où les cliniciens reçoivent toute personne en souffrance qui en fait la demande et selon ses moyens financiers.

[2]Ce point théorique est défendu par F de Amorim : le surmoi est une instance importante qui apaise le moi, c’est la résistance du surmoi qui en fait cette instance “féroce, cruelle et obscène”

[3] Pommier, G. Transparence : bon prétexte pour petits meurtres d’âmes, La clinique lacanienne, 2001/1 (N°5).